Rédigé par Ajita Vidyarthi, conseillère principale en matière d’égalité des genres et d’inclusion à Plan International Canada, Deborah Dahan, agente en matière d’égalité des genres au CanSFE et Rebecca Boyce, conseillère en matière d’égalité des genres et d’inclusion sociale à la Croix-Rouge canadienne.
La violence sexuelle et fondée sur le genre (VSFG) est l’une des violations des droits de la personne les plus répandues dans le monde. Elle peut prendre de multiples formes, dont la violence entre partenaires intimes (VPI) et la violence sexuelle perpétrée par des personnes qui ne sont pas des partenaires, les mutilations génitales féminines (MGF) et les mariages précoces et forcés d’enfants (MPFE). En 2021, on estimait que 736 millions de femmes dans le monde avaient subi au moins une fois dans leur vie des violences sexuelles et/ou physiques de la part d’un partenaire intime, des violences sexuelles en dehors du couple, ou les deux.
L’inégalité des genres, les normes sexistes néfastes et la dynamique de pouvoir inégale augmentent le risque de VSFG pour les femmes et les filles. Mettre fin à toutes les formes de VSFG est une étape essentielle pour faire avancer le programme de développement durable et parvenir à l’égalité des genres. Alors que la campagne 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe débute cette semaine, nous nous joignons à l’appel à l’action mondial visant à sensibiliser, à promouvoir le plaidoyer et à créer des occasions de discuter des défis et des solutions.
Au fil du temps, de nombreux secteurs ont répondu à l’appel lancé pour mettre fin à la VSFG. Malgré les progrès considérables réalisés par le secteur de la santé dans l’élaboration de lignes directrices pour l’intégration de la VSFG, celle-ci reste l’un des cinq domaines négligés de la santé et des droits reproductifs et sexuels (SDSR). Cet article traite des liens entre la SDSR et la VSFG et souligne la nécessité de privilégier la prévention et la réponse à la VSFG dans le cadre de la promotion de l’accès universel à la SSR.
Redéfinir la VSFG en tant que problème de santé
La VSFG était autrefois une affaire privée reléguée à la sphère domestique, et l’est encore parfois. Sous des thèmes tels que « Le privé est politique », les mouvements féministes mondiaux ont réussi à placer cette question sous les feux de la rampe et à lui assurer une place dans les systèmes politico-juridiques du monde entier. Cette démarche a conduit à des victoires significatives dans de nombreux pays, aboutissant à des protections juridiques pour les femmes battues, dont certaines ont été inscrites dans la Convention de Belém do Pará de 1995.
Reconnaissant les limites des protections politico-juridiques, une transition notable s’est opérée pour redéfinir le problème, cette fois-ci en tant que problème de santé publique. Cette approche pourrait permettre de gagner du soutien et de mobiliser davantage de militant·es, à l’instar de la campagne « La pandémie fantôme » lors de la COVID-19, qui réclamait que la VPI soit déclarée comme une urgence de santé publique.
La VSFG et la santé sexuelle et reproductive sont intimement liées. La VSFG peut être utilisée pour saper le pouvoir décisionnel, l’autonomie et le contrôle des femmes et des filles en ce qui concerne leur santé sexuelle et reproductive. La coercition et les maltraitances en matière de reproduction, dont les grossesses forcées, le sabotage des contraceptifs, la stérilisation forcée, l’avortement forcé ou la poursuite forcée de la grossesse sont autant de formes de VSFG qui peuvent entraîner des infections transmises sexuellement (ITS), des grossesses non désirées, des avortements à risque et des traumatismes.
La VSFG entraîne des conséquences négatives sur la santé
L’approche fondée sur le cycle de vie souligne comment l’absence de prestation de services de santé adaptés peut perpétuer la discrimination fondée sur le genre et la VSFG. Par exemple, dans certaines communautés d’Asie du Sud et de l’Est et dans leur diaspora, l’avortement sélectif des femmes (lié à la préférence pour un garçon/un fils) est rendu possible par l’utilisation illégale de techniques visant à déterminer le sexe du fœtus. Entre 1970 et 2010, 62 millions de filles en Chine et 43 millions de filles en Inde ont été avortées1 en raison d’une préférence pour un fils, conséquence directe de la collaboration entre la clientèle et les prestataires de soins autorisés pour préserver des normes sexospécifiques nuisibles.
Les mutilations génitales féminines (MGF)2 et les mariages d’enfants, précoces et forcés (MEPF) sont deux exemples courants de VSFG qui sont largement pratiqués pendant la petite enfance et l’adolescence dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie. Les MGF – qui touchent plus de 200 millions de filles – entraînent des conséquences à vie sur la santé des femmes, dont des effets négatifs sur la SSR tels que des infections de l’appareil génital et reproducteur, une baisse du désir et de la satisfaction sexuels, des grossesses précoces et des complications lors de la grossesse. La protection des enfants contre les MGF est un effort communautaire et un devoir pour les prestataires de soins de santé.
En ce qui concerne les MEPF, de nombreuses études ont établi les liens entre le mariage d’enfants et les mauvais résultats en matière de SSR. Les victimes/survivantes de MEPF sont plus susceptibles de subir de la VPI physique ou sexuelle des grossesses précoces/forcées, des complications liées à la grossesse et des avortements à risque, ce qui contribue à des taux élevés de mortalité maternelle chez les adolescentes. Plus de 650 millions de femmes vivant aujourd’hui ont été mariées alors qu’elles étaient enfants. La réduction des MEPF est nécessaire pour améliorer la SDSR des femmes et des filles.
La VPI, qui touche une fille ou une femme sur trois, commence à l’adolescence et se poursuit tout au long de la vie. Elle entraîne des répercussions négatives sur la santé physique, mentale, sexuelle et reproductive des femmes. Dans le monde, 38 % de l’ensemble des féminicides sont perpétrés par le partenaire de la victime. La VPI est une épidémie mondiale qui nécessite une réponse du secteur de la santé.
Les expériences de violence à l’égard des femmes marginalisées, dont les femmes en situation de handicap, les femmes noires, autochtones ou de couleur, les femmes LGBTQ2E+, les travailleuses du sexe, les femmes incarcérées et les femmes enceintes, sont souvent de nature hypersexualisée et vont de la grossesse forcée à la stérilisation forcée, en passant par la violence sexuelle. De telles violences peuvent entraîner des traumatismes à vie, des mécanismes d’adaptation négatifs, un risque accru de VIH et d’autres ITS, des grossesses non désirées, des complications pendant la grossesse et des avortements provoqués. Les femmes âgées sont souvent victimes de négligence, de maltraitance et de soins indignes. Faute d’appliquer une optique intersectionnelle à la politique de santé publique, les femmes et les filles, dans toute leur diversité, sont exposées à un risque permanent de VSFG.
Malheureusement, très peu de programmes établissent explicitement des liens entre les deux et travaillent plutôt en vase clos. Il est essentiel de trouver des moyens de mieux intégrer la VSFG à la SDSR tout en veillant à ce que les systèmes de santé privilégient la VSFG et ne la laissent pas de côté, même lorsque d’autres urgences sanitaires surviennent.
Vers des programmes intégrés de SDSR
Dans de nombreux endroits, la VSFG est socialement acceptée et même normalisée. Malgré le nombre incalculable de femmes et de filles, dans toute leur diversité, qui souffrent en silence, nombreuses sont celles qui finiront par solliciter des services de santé. Les professionnel·les de la santé sont socialement respecté·es dans de nombreuses sociétés et les services de SSR peuvent être un point de contact initial pour les survivant·es/victimes de VSFG. Les professionnel·les de la santé sont donc particulièrement bien placé·es pour offrir des soins de SSR intégrés et complets, dont des services en matière de VSFG, dans un cadre socialement acceptable.
Des lignes directrices et des déclarations communes ont été largement diffusées pour contribuer à l’intégration de la VSFG et de la SDSR. Malgré ces efforts, les praticien·nes de l’égalité des genres se retrouvent encore à plaider en faveur d’une place et de ressources pour la VSFG dans les programmes de SDSR.
En plus de vous fournir des informations sur la VSFG, les messages clés suivants peuvent être utiles à partager avec les collègues du secteur de la santé et les responsables de votre organisation :
Il ne fait aucun doute que la prévention de la VSFG repose sur les déterminants sociaux de la santé et du bien-être. La VSFG et les lacunes en matière de SDSR découlent souvent de normes sociales néfastes et de la hiérarchie entre les genres. Les programmes de santé doivent s’attaquer aux causes sous-jacentes qui perpétuent la VSFG. Pour y parvenir, les équipes de santé peuvent plaider pour :
Les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe nous rappellent chaque année de recentrer nos efforts et de démontrer nos engagements à prévenir la VSFG et à y répondre dans tous les secteurs. Les programmes de SDSR doivent continuer à mettre en œuvre leurs cadres politiques en vue d’une intégration complète de la VSFG à la SDSR. C’est particulièrement crucial à une époque de crises humanitaires fréquentes et prolongées qui augmentent les risques de VSFG et limitent l’accès aux services de SDSR.
Cette question étant à la fois mondiale et locale, il est également essentiel que les membres du CanSFE soutiennent la mise en œuvre du Plan d’action national de 2022 pour mettre fin à la VFG, fruit d’importantes pressions politiques exercées par la Commission de vérité et de réconciliation, la commission de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ainsi que par les militant·es des droits de la femme dans tout le pays et les ministres responsables au sein de Femmes et Égalité des genres (FEGC).
Publié:
novembre 27, 2023
Auteur:
Par Ajita Vidyarthi, Deborah Dahan et Rebecca Boyce
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