Un an plus tard : réflexions à la suite de l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade

Un an s’est écoulé depuis que la Cour suprême des États-Unis a décidé d’annuler l’arrêt Roe v. Wade, un précédent juridique qui sous-tendait le droit à l’avortement dans le pays. Dans l’état actuel des choses, l’avortement est protégé par les textes législatifs, la Constitution ou les lois dans moins de la moitié des États américains. 

Les cinquante dernières années ont été caractérisées par une tendance mondiale à la libéralisation de l’avortement, mais ce revirement sismique en ce qui a trait à l’engagement en faveur de l’autonomie corporelle et du choix en matière de procréation a fait reculer le progrès. Les États-Unis font partie d’une poignée de pays qui ont régressé en matière de droit à l’avortement, dont le Salvador, le Nicaragua, le Honduras, l’Iran et la Pologne.

Un effort international pour saper les droits de la personne

Associés aux nouvelles tendances de l’opposition mondiale aux politiques équitables en matière de genre, les effets de cette décision se sont étendus bien au-delà des frontières juridiques des États-Unis, et ont eu un impact considérable sur la santé, les droits et le bien-être des femmes marginalisées dans le monde entier.

Dans l’ensemble du continent africain, l’aide internationale américaine au financement de la santé est essentielle pour résister aux investissements anti-choix visant à contester l’éducation complète à la sexualité, la contraception, l’avortement et les droits des personnes LGBTQI+. En Afrique subsaharienne, la décision est susceptible d’avoir augmenté la morbidité et la mortalité maternelles là où les avortements sûrs et légaux étaient auparavant limités.

Dans la région européenne, le gouvernement du Royaume-Uni a supprimé les engagements en faveur de la santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles; des Polonaises ont été inculpées pour avoir facilité l’accès à l’avortement médicamenteux autogéré là où il est légal; et au milieu de l’occupation russe en Ukraine, des réfugiées de l’Union européenne ont été négligées et ne peuvent accéder à des soins reproductifs adéquats en Hongrie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie.

Alors que l’autoritarisme continue de monter, la décision d’abroger Roe a encore renforcé le pouvoir d’une guerre culturelle mondiale croissante en enhardissant les politiques régressives en matière d’accès aux soins de santé reproductive soutenues par la règle du bâillon mondial et l’amendement Helms. Elle a exacerbé la fragilité des droits civils, s’étendant aux soins d’affirmation du genre et au mariage homosexuel, tandis que les efforts actuels redoublent pour approfondir les divisions existantes dans ces domaines. Ces tensions – autoritarisme, politiques régressives et conflits culturels – sont profondément ancrées dans la polarisation sociopolitique qui s’installe partout dans le monde.

Le cycle de l’inégalité dans l’opposition

De l’autre côté de la frontière, la Cour suprême mexicaine est confrontée aux mêmes préoccupations en matière d’accessibilité équitable que Roe, et ce, en raison de la dépénalisation de l’avortement près de cinq décennies plus tard. La vulnérabilité des femmes, des filles et d’autres personnes en état de procréer qui sont pauvres, jeunes, vivant en milieu rural, migrantes, autochtones ou racialisées, est ressentie dans toutes les régions du monde. Les conflits aggravent la situation, et les politiques régressives créent des obstacles qui entravent l’accès aux soins, leur qualité et leur responsabilité. 

La résilience du mouvement de la vague verte

Au milieu de ces circonstances désastreuses, la résilience du mouvement de la vague verte, un collectif de groupes de défense du droit à l’avortement dans toutes les Amériques, a transcendé les frontières, galvanisé les efforts et renforcé la solidarité entre les communautés pour résister aux tentatives d’affaiblissement des droits fondamentaux de la personne.

Depuis un an, la Cour suprême de l’Inde et la Cour constitutionnelle de Colombie ont libéralisé et décriminalisé l’avortement jusqu’à vingt-quatre semaines de gestation, tandis que le gouvernement de la Sierra Leone a apporté son soutien unanime à l’adoption de la loi sur la maternité sans risques et la santé reproductive, une loi qui annulerait les lois de criminalisation datant de l’époque coloniale. Ces développements nous rappellent que malgré la crise d’opposition à la santé sexuelle et reproductive, il est possible de faire valoir les droits et la justice.

L’impact de cette décision a ravivé le sentiment d’urgence pour la sauvegarde et la protection des droits fondamentaux de la personne, et a permis de reconnaître que les progrès nécessitent une vigilance constante. Les femmes, les filles et les personnes issues de la diversité des genres qui sont à l’avant-garde du mouvement de la vague verte se sont mobilisées une fois de plus pour protéger les acquis durement gagnés et résister aux efforts visant à les inverser ou à les éroder. 

À l’heure où nous réfléchissons à l’année écoulée depuis l’annulation de Roe v. Wade, il est essentiel que nous nous engagions à suivre et à évaluer les données sur l’avortement, car elles sont essentielles pour garantir la responsabilisation envers les communautés mal desservies. En investissant dans l’évaluation des données, nous pouvons dégager des idées sur les politiques régressives et aider à façonner des interventions fondées sur des données probantes qui font le lien entre l’égalité reproductive, raciale, économique et des genres.

Publié:

juin 22, 2023


Catégories:


Partager cette publication:


Icon