Au-delà des vaccins : s’attaquer aux obstacles liés au genre dans les efforts de vaccination

Dans nos réflexions entourant la Journée mondiale contre la polio, nous nous sommes penchées sur l’intersectionnalité entre l’égalité des genres et les efforts de vaccination et sur ce qui doit être réglé pour s’assurer que tout le monde ait les mêmes chances d’avoir accès à la vaccination et d’en bénéficier. 

L’accès limité à des prestataires de soins de santé féminins, en particulier dans les milieux où les normes restreignent les contacts physiques entre les femmes et les hommes, y compris pour les travailleurs de la santé masculins; le manque d’autonomie des femmes dans les prises de décisions relatives à leur santé, y compris la vaccination; la division du travail dans les ménages, qui peut dissuader la participation des pères aux tâches parentales et limiter les occasions qu’ont les femmes d’aller se faire vacciner; les normes de genre qui priorisent la santé des hommes et des garçons; la discrimination dans les services de santé; et les longues distances à parcourir pour se rendre dans les établissements de santé, avec tous les risques pour la sécurité et les questions de mobilité qui y sont rattachés – ce ne sont là que quelques obstacles liés au genre qui empêchent les femmes, les filles et les personnes LGBTQ+ de se faire vacciner. 

Des efforts pour intégrer l’égalité des genres dans les programmes de vaccination

Au cours des dernières années, le milieu de la santé est devenu de plus en plus conscient du besoin d’intégrer la question de l’égalité des genres dans les efforts de vaccination. On reconnaît davantage, tant au niveau mondial qu’au niveau national, l’impact de ces barrières et lacunes liées au genre sur la vaccination, surtout lorsque l’on tente de cibler les enfants et les communautés zéro dose ou sous-vaccinés.

L’évaluation externe de 2019 de la Politique de genre de Gavi, l’Alliance du vaccin, et ses versions subséquentes, ainsi que la Stratégie pour l’égalité des genres de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP), ont contribué à accroître la sensibilisation entourant ces enjeux et les investissements pour identifier et éliminer les obstacles à la vaccination liés au genre.   

Par exemple, Gavi insiste sur l’importance de soutenir les soignantes et les travailleuses de la santé, reconnaissant le rôle central de ces femmes dans le milieu de la santé. La Politique de genre de Gavi souligne également le besoin de s’occuper des défis uniques auxquels font face les adolescentes afin d’assurer un accès équitable aux soins de santé. Grâce à ces initiatives, Gavi vise à éliminer les obstacles liés au genre pour pouvoir atteindre les enfants et les communautés zéro dose ou sous-vaccinés.

Dans le même ordre d’idées, la stratégie de l’IMEP vise à promouvoir l’intégration d’une perspective de genre dans les divers aspects de ses programmes et interventions. Parmi les interventions, l’IMEP organise des formations sur les questions de genre auprès des fonctionnaires gouvernementaux pour s’assurer qu’elles sont intégrées à tous les stades de la planification de la réponse à l’épidémie de polio. L’organisation aide également les pays à surmonter les obstacles à la vaccination contre la polio.  

Le rôle du Canada dans la promotion d’une approche intentionnelle d’égalité des genres en matière de vaccination

Conformément à la Politique d’aide internationale féministe du Canada, 95 % des initiatives bilatérales du Canada en matière d’aide au développement international visent ou intègrent l’égalité des genres et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles. Par le financement d’initiatives multilatérales, le Canada joue un rôle important dans la promotion d’une approche intentionnelle d’égalité des genres en matière de vaccination : le Canada a été le premier donateur bilatéral de l’IMEP et est membre du conseil d’administration de Gavi depuis la création de l’Alliance. Le Canada siège également au Conseil de surveillance de la poliomyélite de l’IMEP à titre de donateur principal. Cette position a permis au Canada de plaider en faveur de changements de politique dans le cadre de ces initiatives de santé mondiale, notamment en ce qui concerne l’intégration de la dimension de genre.

Au cours des dernières années, le Canada a contribué à faire progresser l’égalité des genres et à réduire le fardeau des maladies infectieuses grâce à la vaccination, notamment par la vaccination des femmes en âge de se reproduire contre le tétanos et la vaccination de 1,1 million de filles contre le VPH. De même, en réponse aux appels mondiaux à soutenir le déploiement de la vaccination contre la COVID-19 en 2022, le Canada s’est associé à l’UNICEF pour renforcer les services de soins de santé primaires sensibles au genre et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en vue d’accroître l’accès équitable aux vaccins et de fortifier les systèmes de santé grâce à la prestation de campagnes de vaccination et de soins de santé primaires équitables entre les genres.  

Ce qu’il reste encore à faire

  • Établir des preuves de ce qui fonctionne

Les autorités sanitaires nationales reconnaissent de plus en plus que les obstacles liés au genre, ainsi que ceux liés à la diversité et à l’inclusion de manière générale, ont une influence importante sur le nombre d’enfants et de communautés zéro dose et sous-vaccinés. Il nous reste toutefois à recueillir des données probantes de ce qui fonctionne pour éliminer ces obstacles, en tenant compte des expériences diverses de l’ensemble des membres de la communauté. Les pays tels que le Canada peuvent soutenir ces efforts en investissant dans les partenariats de recherche entre les établissements universitaires canadiens et locaux. Ces partenariats doivent se concentrer sur le développement et l’expérimentation d’approches qui ne sont pas seulement sensibles au genre et transformatrices en matière d’égalité des genres, mais qui tiennent également compte de l’intersectionnalité entre divers facteurs, tels que l’âge, l’origine ethnique, le statut socio-économique et le handicap. La prise en compte de ces chevauchements d’identités et d’expériences permettra d’apporter des solutions plus complètes et plus adaptées au contexte.

  • Revendiquer des engagements et des investissements

Pour s’attaquer efficacement aux obstacles intersectionnels et liés au genre en matière de vaccination, il est impératif que les stratégies nationales de vaccination priorisent et financent suffisamment l’expérimentation et le déploiement à plus grande échelle de programmes de vaccination sensibles au genre et transformateurs en matière d’égalité des genres. Cette approche doit tenir compte de l’interaction entre le genre et d’autres facteurs tels que l’âge, l’origine ethnique, le statut socio-économique et le handicap. Un important travail de plaidoyer est indispensable à cette fin. Nous devons défendre ces enjeux aux niveaux mondial et national, en faisant pression pour obtenir des engagements clairs et des investissements dans des approches intersectionnelles, sensibles au genre et transformatrices en matière d’égalité des genres. Un tel engagement nécessite l’intégration d’activités qui tiennent compte du genre et de l’intersectionnalité dans les stratégies et les programmes nationaux de vaccination et le recours à des analyses comparatives entre les genres en vue d’élaborer des plans et des budgets éclairés et inclusifs.

Passer d’une stratégie de vaccination sensible au genre à une approche transformatrice en matière d’égalité des genres

Les approches transformatrices en matière d’égalité des genres s’attaquent à la racine du problème de l’inégalité entre les genres, transforment les rôles, les normes et les relations de genre nuisibles et encouragent l’égalité entre les genres. Ces approches sont essentielles pour surmonter les obstacles à la vaccination liés au genre.

  • Promouvoir la capacité d’action et le leadership des femmes

Pour pouvoir atteindre les enfants et les communautés zéro dose et sous-vaccinés, il est essentiel de promouvoir la capacité d’action et le leadership des femmes, à la fois en tant que principales responsables des soins et en tant que membres à part entière des personnels de santé. Les femmes qui jouissent de leur plein pouvoir dans le secteur de la santé apportent une expertise et des perspectives uniques et rehaussent la prestation et l’acceptation des services de vaccination. En tant que responsables principales des soins, elles peuvent promouvoir efficacement la vaccination, en s’attaquant à des obstacles précis et en renforçant la confiance de la communauté. De plus, l’accession des femmes à des postes de direction au sein des systèmes de santé contribue à rendre les efforts de vaccination plus efficaces et soutenus, ce qui accélère les progrès vers une couverture vaccinale universelle.

  • Faire des hommes et des garçons des alliés

Au niveau communautaire, compte tenu du rôle important des hommes dans la prise de décision en matière de santé et de vaccination, il est essentiel de mobiliser les hommes et les garçons ainsi que les leaders traditionnels, culturels et religieux en tant qu’alliés. Par exemple, l’IMEP fait appel aux leaders traditionnels et religieux, en tant que sources d’information en qui les gens ont confiance, pour prévenir la désinformation et démystifier les rumeurs. L’OMS recommande également de faire appel à des hommes influents afin qu’ils donnent l’exemple de comportements favorisant l’égalité des genres ou d’intégrer à tous les messages de promotion de la santé des thèmes tels que l’égalité des genres, l’égalité dans les tâches parentales, la prise de décisions au sein de la famille, et le partage égal des soins aux enfants et d’autres responsabilités domestiques avec les hommes. Cependant, même s’il est essentiel de tisser une alliance inclusive avec les hommes et les garçons, nous devons nous assurer que cette participation ne supplante pas ni ne minimise la voix des femmes, ce qui renforcerait par inadvertance les normes patriarcales ou diminuerait le rôle central des femmes dans les soins de santé.

  • Renforcer les capacités des communautés

Pour pouvoir nous attaquer efficacement aux obstacles liés au genre et faire évoluer les normes de genre nuisibles dans le cadre des programmes de vaccination, nous devons privilégier la participation active de divers groupes communautaires, notamment les femmes, les hommes, les jeunes et les organismes citoyens, tout au long de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des programmes. L’utilisation d’approches telles que la conception centrée sur la personne peut être déterminante pour assurer que ces programmes sont adaptés aux besoins et contextes réels de ces communautés. Même si ces approches globales demandent souvent plus de temps et de ressources au départ, les avantages à long terme sur l’efficacité des programmes et l’engagement des communautés en valent la peine. En outre, nous devons tirer parti des connaissances au niveau local et investir dans les capacités nationales par l’entremise d’initiatives de formations et d’autonomisation économique.  

En tant que chef de file pour la promotion de la santé des femmes et des approches féministes du développement, le Canada a un rôle crucial à jouer et doit continuer à soutenir les approches sensibles au genre et transformatrices en matière d’égalité des genres dans les programmes de vaccination. Pour ce faire, il doit soutenir la recherche et la collecte de données, plaider en faveur d’investissements et d’engagements continus aux niveaux mondial et national, et renforcer les capacités nationales et infranationales en matière de programmes sensibles au genre et transformateurs en matière d’égalité des genres.

Dominique Denoncourt est agente des politiques et du plaidoyer chez Résultats Canada. Alison Riddle est consultante en égalité des genres et santé mondiale. Pour en savoir davantage, contactez Dominique à [email protected] et Alison à [email protected]

Publié:

octobre 30, 2023


Auteur:

Par Dominique Denoncourt et Alison Riddle


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