Écrit par Melina Kalamandeen d’Amref Health Africa au Canada, Saifullah Chaudhry de Development Impact Solutions et Julie Truelove de WaterAid
Le 16 octobre de chaque année, la Journée mondiale de l’alimentation sensibilise à la lutte contre la faim et encourage les actions en faveur de l’avenir de l’alimentation, des populations et de la planète. Aujourd’hui, 2,4 milliards de personnes vivent dans des pays qui subissent un stress hydrique. Les 600 millions de personnes qui dépendent des systèmes alimentaires d’origine aquatique pour vivre subissent les effets de la pollution, de la dégradation des écosystèmes, des pratiques non durables et du changement climatique, justifiant ainsi le thème de cette année, L’eau, c’est la vie, l’eau nous nourrit. Ne laisser personne de côté.
Les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par cette crise de l’eau. La sécurité de l’eau repose sur qui nous sommes, où nous sommes et les raisons pour lesquelles nous avons besoin d’eau, que ce soit pour l’assainissement, l’hygiène et les usages domestiques quotidiens, l’irrigation de l’agriculture de subsistance et des cultures maraîchères, la production agricole à grande échelle, ou encore l’eau nécessaire aux petites entreprises, à de plus importantes industries ou à l’énergie hydroélectrique.
En période de pénurie d’eau, les femmes et les filles sont sur la ligne de front. Ce sont elles qui jouent ce rôle sous-évalué et genré de gardiennes de l’eau, s’efforçant d’avoir suffisamment d’eau pour l’assainissement, l’hygiène et les besoins quotidiens des ménages. Si toutes les femmes et les filles disposaient d’eau saine à la maison, cela permettrait d’économiser chaque année plus de 77 millions de journées de travail actuellement consacrées à la récolte de l’eau. Cela signifie que la voix des femmes et des filles n’est pas entendue et que leurs besoins ne sont pas satisfaits, ce qui constitue un risque pour leur santé, leur prospérité et leur sécurité.
Cette situation est encore aggravée en période de crise, comme lors des sécheresses et des inondations, qui ont un impact sur l’accès aux sources d’eau, ainsi que sur le rendement des cultures et la production alimentaire. En 2022, les inondations au Pakistan ont touché 33 millions de personnes et endommagé la plupart des systèmes d’approvisionnement en eau dans les zones touchées, obligeant plus de 5,4 millions de personnes à dépendre uniquement de l’eau contaminée des étangs et des puits.
Les femmes et les filles ont été disproportionnellement touchées par les inondations. La violence fondée sur le genre, dont la violence entre partenaires intimes, a augmenté. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH) inadéquates et les tabous culturels ont limité leur accès aux produits menstruels, ce qui a eu un impact sur leur santé, leur dignité et leur bien-être. L’accès à l’eau potable et aux installations d’EAH étant limité, les femmes et les filles ont dû marcher plus loin pour aller chercher de l’eau, tandis que les femmes enceintes et allaitantes n’ont pas reçu suffisamment d’aliments nutritifs, ne se sont pas suffisamment reposées et n’ont pas eu accès à des soins médicaux adéquats.
De même, on s’attend à ce qu’El Niño frappe l’Afrique de l’Est entre octobre et décembre 2023, entraînant pour plusieurs pays des vagues de chaleur, des incendies de forêt, des inondations, des sécheresses et des épidémies graves et intenses. Cette situation s’accompagne de risques sanitaires accrus pour les femmes et les filles en raison des inégalités entre les genres qui limitent leur accès aux soins de santé, à l’éducation, aux possibilités de leadership et aux ressources, exacerbant ainsi leur vulnérabilité pendant et après les catastrophes climatiques. Dans ces circonstances, les programmes d’Amref axés sur l’EAH veillent à ce que les communautés disposent des capacités adéquates pour développer, exploiter et entretenir leurs sources d’eau et améliorer les pratiques d’assainissement et d’hygiène dans une perspective durable, afin de prévenir et de contrôler les maladies liées à l’eau et à l’assainissement tout en améliorant la nutrition et les moyens de subsistance.
Il est primordial de tenir compte des connaissances locales et traditionnelles lors de l’élaboration des programmes. Plus particulièrement, la participation pleine et entière des femmes aux décisions qui concernent l’eau est essentielle pour améliorer la sécurité de l’eau et répondre aux besoins de base en matière d’EAH. Comme l’indique une étude de terrain de l’International Rescue Committee (IRC) menée par Saifullah auprès de communautés touchées par les inondations au Pakistan en 2022 (à paraître prochainement), encourager les femmes à jouer un rôle de premier plan dans la gouvernance et la gestion de l’eau et de l’alimentation permettra de répondre aux besoins des femmes, des femmes enceintes, des femmes allaitantes, des adolescentes et des personnes en situation de handicap face aux crises de l’eau.
Le travail de WaterAid au Burkina Faso est un exemple de la manière dont les organisations peuvent promouvoir des solutions locales et utiliser les connaissances des femmes pour résoudre les problèmes liés à l’eau. À Tollingui, une communauté rurale du Burkina Faso confrontée à des conditions de sécheresse accrues en raison du changement climatique, deux bénévoles locaux ont été désignés par la communauté pour agir à titre de contrôleurs de l’activité de l’eau et pour recevoir une formation sur la mesure et l’enregistrement des précipitations au cours d’une année. En formant des hommes et des femmes au contrôle de l’activité de l’eau, la communauté se familiarise avec l’incidence des données sur la production alimentaire locale et les perspectives d’évolution de la demande en eau.
Dans le même ordre d’idées, Amref Health Africa a mis au point des outils numériques, tels que M-Jali, pour améliorer la surveillance syndromique dans les communautés et a ouvert la voie à des réponses opportunes aux tendances en matière de santé, particulièrement celles qui sont associées aux défis découlant du changement climatique. Grâce à des données précises et en temps réel, les gouvernements et les établissements de soins de santé obtiennent des informations inestimables sur l’état de santé de leurs communautés, ce qui leur permet de répartir les interventions et les ressources de manière efficace et efficiente, notamment en ce qui concerne les programmes d’EAH. En formant les femmes et les filles à l’utilisation d’outils comme celui-ci, on s’assure qu’elles font partie de la solution et qu’elles peuvent participer activement à la prise de décision.
Parallèlement, il est essentiel de donner aux femmes et aux hommes l’occasion de réfléchir aux normes stéréotypées qui limitent l’accès des femmes à l’information et aux ressources et les rendent plus vulnérables à la violence fondée sur le genre en situation d’urgence. C’est essentiel pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux ressources en eau et aux installations d’EAH et pour atténuer l’impact des crises hydriques.
Le travail à l’intersection de l’ODD 6 (eau propre et assainissement pour tous) et de l’ODD 5 (égalité des genres) nécessite des actions clés.
Modifier les interventions d’urgence : En raison des délais de réponse limités, les intervenant·es d’urgence utilisent les informations disponibles. Toutefois, ils et elles doivent veiller à ce que leur personnel sur le terrain procède également à une évaluation rapide afin de définir les besoins particuliers en matière de genre et d’inclusion sociale, notamment en ce qui concerne l’eau et la nutrition. Cela permet aux organisations de répondre aux défis uniques de la population touchée en matière d’eau et de nutrition au cours de la mise en œuvre, même si ces questions n’ont pas été envisagées au stade de la conception du projet en raison du délai d’exécution très court.
Suivi : La coordination de la cartographie des ressources en eau, la gestion des demandes conflictuelles pour leur utilisation et la prise de décision sur les allocations en eau et la gestion efficace de l’approvisionnement en eau nécessitent un suivi plus attentif à la dimension du genre. Il s’agit d’intégrer des mesures précises relatives à l’eau, au genre, à l’alimentation et au climat dans les plans nationaux d’adaptation. En outre, cela suppose une participation active et la volonté de parvenir à un équilibre entre les genres dans les négociations sur le climat, comme l’illustre une étude de cas réalisée en Éthiopie.
Investissements : Les parties prenantes de tous les secteurs reconnaissent depuis longtemps que la sécurité de l’eau et l’accès à l’assainissement et à l’hygiène de base pour tout le monde sont des investissements « sans regret » pour les enfants, les jeunes et les générations futures. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques reconnaît également l’EAH comme une mesure d’adaptation « à faible regret » permettant de renforcer la capacité de résistance des populations aux effets du changement climatique.
Partenariats : La mise en place et le renforcement de partenariats multisectoriels pour la sécurité alimentaire, la sécurité de l’eau et l’EAH pour tout le monde sont essentiels pour atteindre les ODD et construire un avenir plus équitable et plus sain face au changement climatique et à la perte de biodiversité.
Pour en savoir plus :
https://www.linkedin.com/company/development-impact-solutions-islamabad-toronto/about/
Publié:
octobre 16, 2023
Auteur:
Melina Kalamandeen, Saifullah Chaudhry et Julie Truelove
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