Faire avancer l’éducation complète à la sexualité : stratégies pour une mise en œuvre efficace

Le mois dernier, à l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, les membres du groupe de travail sur l’égalité des genres (GTÉG) ont participé à une conversation constructive sur les liens entre la santé et les droits sexuels et reproductifs (SDSR) et l’éducation, ainsi que sur les obstacles à l’accès à l’éducation complète à la sexualité (ÉCS) et à sa mise en œuvre.

Le rôle essentiel de l’ÉCS dans l’amélioration des résultats en matière de santé et comme moteur du changement social

Selon l’UNESCO l’ÉCS est « un processus d’enseignement et d’apprentissage des aspects cognitifs, émotionnels, physiques et sociaux de la sexualité, fondé sur le programme scolaire. Elle vise à doter les enfants et les jeunes de connaissances, de compétences, d’attitudes et de valeurs qui leur permettront de prendre conscience de leur santé, de leur bien-être et de leur dignité; de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses; de tenir compte de la manière dont leurs choix affectent leur propre bien-être et celui des autres; et de comprendre leurs droits tout au long de leur vie et d’en assurer la protection ». 

Tous les enfants, les adolescent·es et les jeunes, dont les personnes trans, non binaires et issues de la diversité des genres, ont le droit d’avoir accès sans discrimination à l’ÉCS, laquelle  leur donne les moyens de prendre des décisions éclairées concernant leur corps et leur sexualité. 

L’ÉCS est essentielle, car elle permet d’améliorer les connaissances sur de nombreux aspects de la sexualité, dont la contraception, la grossesse et les infections transmissibles sexuellement (ITS), ce qui se traduit par des résultats positifs significatifs en matière de santé se répercutant tout au long de la vie. Par ailleurs, en sensibilisant les élèves aux relations entre les genres et en abordant des questions telles que le consentement, l’ÉCS a le potentiel de remettre en question les normes inégales en matière de genre, de promouvoir des attitudes positives liées à la sexualité et de prévenir et réduire la violence fondée sur le genre ainsi que l’exploitation et les maltraitances sexuelles. 

Les défis de la mise en œuvre de l’ÉCS

1. La résistance à l’échelle politique

L’ÉCS peut se heurter à une forte résistance de la part de diverses parties prenantes, principalement en raison d’idées fausses quant à sa nature, son objectif et ses répercussions. Certaines de ces idées fausses comprennent la crainte que l’ÉCS contrevienne aux normes religieuses et culturelles locales, qu’elle encourage une activité sexuelle précoce ou qu’elle provoque une « confusion des genres ». Par exemple, dans certains contextes, les ministères de l’Éducation peuvent être mal à l’aise et réticents à l’idée d’inclure dans leur programme d’études des cours d’ÉCS qui ne sont pas axés sur l’abstinence, malgré les données démontrant l’inefficacité et les effets potentiellement néfastes des programmes d’éducation sexuelle axés uniquement sur l’abstinence. En outre, l’utilisation même du terme ÉCS peut être une source de tension. Enfin, les restrictions juridiques concernant le partage d’informations relatives à la SDSR avant l’âge de 18 ans peuvent compliquer davantage l’intégration de l’ÉCS et contribuer à des grossesses précoces. 

2. Le décalage entre l’intention et la mise en œuvre réelle

Pour que l’ÉCS soit mise en œuvre avec succès, il est essentiel d’obtenir le soutien des leaders communautaires et religieux, du personnel enseignant, des parents et d’autres parties prenantes au sein de la communauté. La résistance de l’un ou l’autre de ces groupes peut considérablement nuire à l’efficacité de la mise en œuvre. Par exemple, le personnel enseignant peut exprimer des opinions qui s’écartent des objectifs du programme d’études.

Par conséquent, la mauvaise interprétation des messages de l’ÉCS par les parties prenantes peut avoir des conséquences involontaires qui nuisent aux communautés. Un exemple évoqué au cours de la discussion concernait un programme visant à promouvoir l’engagement des hommes dans le continuum des soins de santé maternelle, néonatale et infantile. Pour soutenir cette initiative, les leaders religieux ont exigé que toutes les femmes soient accompagnées de leur partenaire lorsqu’elles accèdent aux services de santé. Alors qu’ils pensaient « soutenir la cause du projet », leur exigence a eu un impact négatif sur les femmes célibataires et sur celles qui préféraient ne pas être accompagnées d’un partenaire masculin. 

3. Le manque de ressources et de soutien non académique 

Offrir une ÉCS de qualité nécessite un financement, une formation et un soutien adéquats. Dans certains contextes, le personnel enseignant peut manquer de compétences ou de confiance en soi pour dispenser une éducation sexuelle. Dans d’autres cas, il y a un manque de financement pour les services de soutien non académiques dans les établissements pédagogiques, par exemple des conseiller·ères formé·es en SDSR et des installations de soins de santé au sein des établissements pédagogiques. Ce manque de soutien peut augmenter le taux de décrochage des élèves et alourdir le fardeau du personnel enseignant qui devient alors responsable d’offrir certains de ces services de soutien. 

Par ailleurs, les organisations doivent assumer la responsabilité qui découle de la sensibilisation à la SDSR en l’absence de services de soutien et de l’impact que cette pénurie a sur les jeunes (par exemple, la sensibilisation aux normes sexistes néfastes et à la violence fondée sur le genre dans les communautés où les services d’intervention et de soutien sont inexistants).

Combler le fossé entre l’engagement et la mise en œuvre de l’ÉCS

1. Travailler à tous les échelons et trouver les bonnes personnes

Pour assurer une mise en œuvre fructueuse de l’ÉCS, il est essentiel de collaborer avec les principales parties prenantes à tous les échelons, dont les ministères, les fonctionnaires locaux, les établissements pédagogiques, les parents, les groupes LGBTQI+, les leaders communautaires et les jeunes, afin de favoriser la collaboration, la coordination et la cocréation. Il est également essentiel de comprendre les dynamiques de pouvoir existantes, en particulier lorsqu’il s’agit de faire appel à des chefs religieux dont l’approbation peut être nécessaire avant de collaborer avec les ministères.

Il est essentiel de cibler des défenseur·euses et de les faire participer à la conception et à la mise en œuvre de l’ÉCS. Les défenseur·euses et les personnes influentes qui plaident en faveur de l’ÉCS peuvent, par exemple, travailler avec des leaders religieux ou participer à des séances destinées au personnel soignant, aux clubs de pères, aux clubs d’hommes et à d’autres intermédiaires pour favoriser le soutien en faveur du programme et susciter une adhésion au sein de la communauté.

2. La collaboration entre les différents secteurs et services

Il est plus efficace de dépasser les cloisonnements et d’intégrer les programmes dans des approches intersectorielles, en soulignant la nécessité de renforcer la mobilisation et la collaboration entre les spécialistes de la santé, de l’éducation, de l’égalité des genres et de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (EAH), entre autres. Par exemple, les programmes de SDSR peuvent nécessiter une collaboration étroite entre les ministères de la Santé et de l’Éducation, et les programmes pédagogiques comprendront des services de soutien non académique et une formation destinée au personnel enseignant en matière de SDSR. 

Il est primordial d’assurer un dialogue et des liens entre les services et les prestataires concernés. Par exemple, à mesure que les connaissances des jeunes en matière de SDSR se développent grâce à l’ÉCS, ils et elles chercheront à s’informer sur les options et les services offerts, et le personnel enseignant devra être bien outillé pour fournir des conseils sur la manière d’accéder à ces services. De même, les prestataires de soins de santé doivent être prêt·es à soutenir les jeunes en tenant compte de leur genre.

3. Mobiliser les jeunes 

Rien pour les jeunes, sans les jeunes! Les jeunes comptent parmi les meilleur·es allié·es pour la mise en œuvre de l’ÉCS à l’échelle nationale et communautaire, pour plaider en faveur de l’inclusion de l’ÉCS dans les écoles ou pour encourager les décisionnaires à adopter des politiques qui rendent obligatoire la prestation d’une ÉCS. Si les questions de protection doivent être abordées, les jeunes doivent avoir la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des programmes d’ÉCS. Plus concrètement, un modèle d’éducation par les pairs peut constituer une solution potentielle pour la mise en œuvre de l’ÉCS.

Publié:

mars 7, 2024


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