Intégrer le travail de soins non rémunéré dans les programmes de santé transformateurs en matière d’égalité des genres : bonnes pratiques et enseignements

Introduction

Le travail de soins non rémunéré (TSNR) peut être défini comme la prestation de soins effectuée en l’absence de compensation monétaire. Ces activités se divisent en deux grandes catégories : les soins personnels et relationnels directs (tels que les soins aux enfants, aux personnes âgées, aux malades, etc.) et les soins indirects (cuisine, nettoyage, etc.).

À l’échelle mondiale, plus des trois quarts du TSNR sont assumés par des femmes et des filles, ce qui a des conséquences directes sur leur santé et leur bien-être, notamment leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs et la santé maternelle et néonatale (SDSR/SMN). Par exemple, la pauvreté en temps réduit directement l’accès des femmes et des filles aux services de santé essentiels, tels que les soins prénataux, ce qui a un impact sur leur bien-être global. Le stress engendré par le TSNR entraîne de mauvais résultats prénataux et postnataux, augmentant les risques obstétriques, les problèmes de santé mentale et les contraintes physiques, particulièrement lors de crises telles que la pandémie de COVID-19.

Cet article plaide pour que le TSNR fasse partie intégrante des programmes de santé axés sur la transformation de l’égalité des genres (TÉG) et présente une sélection de bonnes pratiques fondées sur des données probantes ainsi que des enseignements tirés de programmes multinationaux de SDSR/SMN. 

Intégrer le travail  de soins non rémunéré dans les programmes de santé transformateurs en matière d’égalité des genres

Les programmes de santé TÉG abordent les causes profondes des inégalités des genres à l’échelle individuelle, interpersonnelle, familiale/communautaire et institutionnelle, afin d’obtenir des résultats optimaux en matière de SDSR/SMN. Parmi les stratégies communes, citons le renforcement de la capacité d’action des femmes et des filles par l’accès à des informations qui sont précises et qui renforcent leur pouvoir, l’acquisition de compétences en matière de prise de décision et la constitution d’actifs financiers. Les partenaires masculins ainsi que les femmes détentrices et gardiennes du pouvoir sont formés pour créer un environnement favorable à l’égalité des genres. Les titulaires d’obligations s’engagent à faire en sorte que les services, les politiques et les lois tiennent davantage compte du genre et de l’âge.

Les projets TOGETHER, d’ADRA Canada, et SHOW, de Plan International Canada, entre autres, sont des exemples de projets qui reconnaissent que la division du travail de soins en fonction du genre, enracinée dans des relations de pouvoir inégales entre les genres, constitue un obstacle clé à l’obtention de résultats optimaux en matière de santé. Largement alignés sur l’approche des 5R et plus directement sur la reconnaissance, la réduction et la redistribution du TSNR, les exemples suivants décrivent comment la promotion du partage équitable des responsabilités en matière de soins a été intégrée aux programmes de SDSR/SMN. 

1. Reconnaître la valeur du travail de soins non rémunéré :

Il s’agit notamment de mesurer l’emploi du temps et la répartition du travail non rémunéré au sein des familles et de déterminer comment les soins sont dispensés et par qui. De façon générale, les programmes TÉG récoltent dès le départ des données ventilées selon le genre et l’âge sur la répartition du travail de soins non rémunéré entre les différents groupes de genre et d’âge, afin de répertorier les hiérarchies et les normes de genre qui prévalent. Par exemple, ADRA Canada documente l’emploi du temps des femmes et des hommes dans toutes ses initiatives TÉG, notamment par le biais de systèmes réguliers de suivi des projets. Les données sur l’emploi du temps des participant·es, recueillies dans le cadre du projet TOGETHER d’ADRA, qui vise à combler les lacunes dans la prestation de soins de santé de qualité au Kenya, en Ouganda, au Cambodge et aux Philippines, ont permis d’étayer le contenu de la formation visant à sensibiliser les partenaires masculins, à leur faire accepter le partage des tâches ménagères et à les responsabiliser à cet égard. Cela a permis aux femmes de libérer leur emploi du temps et ainsi, d’avoir accès à des services de santé vitaux et de participer à des initiatives de développement locales. 

2. Réduire la pénibilité du travail de soins non rémunéré et le nombre d’heures qui y sont consacrées :

Il s’agit notamment de permettre aux femmes d’accéder à des technologies et à des infrastructures leur permettant de gagner du temps et de réduire leur charge de travail afin de minimiser le fardeau du travail de soins. On peut citer à titre d’exemple des solutions infrastructurelles à long terme telles que des canalisations d’eau potable permettant de réduire les maladies d’origine hydrique et des interventions à court terme telles que des dispositifs permettant de gagner du temps, comme les cuisinières à énergie solaire ne dégageant pas de fumée, qui limitent l’exposition des femmes et des enfants aux maladies d’origine aérienne à l’intérieur des habitations. Au minimum, les programmes TÉG peuvent promouvoir l’adoption de technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre, afin d’améliorer directement les résultats en matière de santé. 

3. Redistribuer plus équitablement la responsabilité du travail de soins : 

Il s’agit notamment de modifier les normes sociales et de genre concernant la répartition du travail de soins et de promouvoir des systèmes de protection sociale tenant compte de la dimension du genre, dont des infrastructures de garde d’enfants adaptées. Les résultats positifs, documentés dans le cadre du projet SHOW de Plan (Bangladesh, Ghana, Nigeria, Haïti et Sénégal), démontrent comment le fait d’obtenir la collaboration de groupes de femmes/filles/garçons/hommes et de femmes exerçant un pouvoir pour effectuer l’analyse des rôles inégaux des hommes et des femmes et responsabiliser les hommes en matière de soins, a permis de favoriser des relations harmonieuses au sein des ménages, d’offrir un répit psychologique et physique pour les soins et d’améliorer la santé des femmes et des filles, en particulier pendant la grossesse et la période postnatale.

De façon similaire, le projet TOGETHER d’ADRA a intégré des stratégies de participation des hommes afin de promouvoir la redistribution du travail de soins non rémunéré au sein des familles. Les premiers résultats de suivi montrent qu’en Ouganda et au Cambodge, des hommes et des femmes au sein de la communauté ont accepté de s’occuper des enfants, permettant ainsi à leurs partenaires de participer pleinement aux activités du projet. Dans les deux exemples, les stratégies de communication ont positionné les partenaires masculins non seulement comme des partenaires des programmes d’égalité des genres, mais aussi comme des bénéficiaires pouvant profiter de manière exponentielle d’une évolution vers des relations et des familles plus saines. En guise de soutien, les messages du projet ont mis l’accent sur le rejet de la honte et de la stigmatisation associées à un changement des rôles des hommes et des femmes.

Les engagements opérationnels et de conformité à l’échelle du projet sont tout aussi essentiels. Notons, par exemple, des espaces sécurisés adaptés aux enfants ou des allocations pour la garde d’enfants afin de garantir l’inclusion des personnes ayant des responsabilités en matière de soins, ainsi qu’un renforcement adéquat des capacités du personnel et des intermédiaires pour leur permettre de renoncer à leurs propres préjugés à l’égard du TSNR.

4. Représenter les droits des personnes qui effectuent un travail de soins et y répondre : 

Il s’agit notamment de créer des possibilités de représentation des personnes qui effectuent un travail de soins rémunéré ou sous-payé, qu’elles travaillent dans des établissements ou dans des communautés, de façon formelle ou informelle, par l’intermédiaire de mécanismes tels que les syndicats. Il s’agit également d’efforts visant à répondre à leurs droits. À titre d’exemple, citons les projets de soutien aux organisations locales de défense des droits de la main-d’œuvre et des femmes, qui visent à renforcer les soins de santé et les droits des travailleurs et travailleuses domestiques. Les projets forment également les titulaires de responsabilités à l’utilisation d’outils de budgétisation et de planification tenant compte de la dimension du genre afin de concevoir des mesures gouvernementales qui redistribuent le TSNR dans le cadre de systèmes de garde d’enfants institutionnalisés et universels et qui renforcent la protection sociale et les droits des personnes qui effectuent un travail de soins. 

En conclusion

Les programmes de santé et de SDSR qui cherchent à faire évoluer l’égalité des genres devraient intégrer des interventions visant à reconnaître, réduire et redistribuer le TSNR des femmes afin d’optimiser les résultats en matière de santé. Les programmes doivent inclure le renforcement des capacités des femmes et des filles, la sensibilisation des hommes et des garçons, ainsi que des femmes qui détiennent le pouvoir, afin de réduire la charge de travail des femmes et d’accroître la redistribution du TSNR. Ils devraient également atténuer les répercussions sur les femmes/filles et les hommes/garçons qui rejettent les rôles stéréotypés des hommes et des femmes. Enfin, les approches peuvent être chaotiques et complexes. Elles sont souvent conçues de manière intentionnelle, mais nécessitent un renforcement continu parmi les titulaires de droits, les intermédiaires et le personnel. Par conséquent, les programmes devraient prévoir un financement adéquat pour la formation du personnel, le soutien régulier et le suivi.

Publié:

mars 7, 2024


Auteur:

Sopheap Sreng, ADRA Canada and Saifullah Chaudhry, Development Impact Solutions


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