Proposition écrite pour les consultations prébudgétaires en vue du budget fédéral de 2023

Recommendations

Recommandation 1 : Que le gouvernement du Canada s’engage à augmenter son enveloppe d’aide internationale chaque année au cours des trois prochaines années pour atteindre au moins 10 milliards $ dans le budget de 2025, conformément à l’engagement du gouvernement d’augmenter son enveloppe d’une année à l’autre d’ici 2030 afin de réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD).

Recommandation 2 : Que le gouvernement du Canada réaffirme son engagement historique de dix ans pour augmenter le financement jusqu’à 1,4 milliard $ annuellement à partir de 2030 afin de soutenir la santé des femmes, des adolescent·es et des enfants du monde entier, notamment par un investissement annuel de 700 millions $ consacré à la santé et aux droits sexuels et reproductifs (SDSR).

Recommandation 3 : Que le gouvernement du Canada reconnaisse et bonifie l’investissement en SDSR afin de respecter les engagements pris en 2019 et qu’il accélère les nouveaux investissements dans les quatre domaines négligés de la SDSR : les soins complets axés sur la contraception; l’avortement sécurisé et légal; la SDSR des adolescent·es (y compris l’éducation complète à la sexualité); et le soutien au plaidoyer.

Recommandation 4 : Que le gouvernement du Canada verse un financement additionnel supérieur aux engagements précédents envers le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT) afin de poursuivre la lutte mondiale actuelle contre la COVID-19 par le biais d’investissements pour le renforcement des systèmes de santé complets, dont des investissements dans les soins de santé primaires, qui abordent les reculs en matière de santé des femmes et des enfants.

Recommandation 5 : Que le gouvernement du Canada présente de nouveaux investissements durables qui s’appuient sur les engagements du Canada en matière de nutrition afin de s’attaquer à la crise mondiale de malnutrition et de faim, dont des investissements consacrés à la prévention, à la détection précoce et au traitement de la malnutrition et du dépérissement.

Introduction

Le leadership du Canada en santé des femmes et des enfants a toujours été un élément crucial de l’architecture de la santé mondiale, mais aujourd’hui, alors que le monde fait face à une confluence de crises allant de l’urgence climatique aux taux dévastateurs de malnutrition et de faim, à la lutte actuelle contre la COVID-19, nous risquons de nous retrouver avec un rétablissement et une réponse qui ne correspondent pas aux besoins des plus vulnérables et menacent de laisser les femmes et les enfants pour compte.

Des investissements dans l’aide internationale ont porté fruit. Pendant des décennies, nous avons accompli un progrès mondial pour combattre des maladies mortelles et évitables, stabiliser les systèmes financiers, permettre la création de bons emplois, faire avancer l’égalité des genres, construire des infrastructures et favoriser le développement durable – et le peuple canadien approuve ces progrès. Malgré la croissance du populisme et de l’incertitude économique, les Canadiennes et Canadiens reconnaissent non seulement l’importance, mais également la nécessité absolue de l’aide internationale pour les femmes et les enfants, et aimeraient voir une augmentation des investissements consacrés à l’aide internationale dans le domaine de la santé[1].

Le Canada s’est imposé comme un spécialiste et leader mondial en matière d’approches transformatrices adaptées au genre et sait ce qui est nécessaire pour s’attaquer aux lacunes les plus cruciales et aux besoins non satisfaits des personnes les plus injustement traitées, marginalisées et laissées pour compte. Pour aller de l’avant après la pandémie et créer des systèmes de santé et des systèmes alimentaires plus forts, résilients et préparés, au sein d’une nouvelle architecture de la santé mondiale qui fait valoir l’équité, les droits de la personne et la santé pour tout le monde, le monde aura besoin de financement, de stratégies et d’indicateurs de l’impact qui se fondent sur une approche féministe.

Le Canada fait figure de proue dans ce domaine et le monde a plus que jamais besoin que le pays se montre à la hauteur et réponde à l’appel.

Recommandation 1 : Que le gouvernement du Canada s’engage à augmenter son enveloppe d’aide internationale chaque année au cours des trois prochaines années pour atteindre au moins 10 milliards $ dans le budget 2025, conformément à l’engagement du gouvernement d’augmenter son enveloppe d’une année à l’autre d’ici 2030 afin de réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD).

En solidarité avec Coopération Canada, le CanSFE presse le gouvernement du Canada d’augmenter son enveloppe de l’aide internationale au cours des trois prochaines années pour atteindre un investissement d’au moins 10 milliards $ d’ici 2025. Reconnaissant le contexte fiscal actuel, nous recommandons un investissement de 0,6 milliard $ sous forme de nouveau financement supplémentaire dans le budget 2023. Cette augmentation respecterait l’engagement qu’a formulé le gouvernement dans son discours du Trône et dans la lettre du mandat du ministre du Développement international en 2021 quant à l’augmentation annuelle de l’aide internationale.

Le monde a plus que jamais besoin d’un leadership mondial audacieux. Un financement de l’aide prévisible et à long terme est impératif pour préserver les progrès durement accomplis en développement dans les dernières années et réaliser l’ambition de la politique d’aide internationale féministe du Canada.

Recommandation 2 : Que le gouvernement du Canada réaffirme son engagement historique de dix ans pour augmenter le financement jusqu’à 1,4 milliard $ annuellement à partir de 2030 afin de soutenir la santé des femmes, des adolescent·es et des enfants du monde entier, notamment par un investissement annuel de 700 millions $ consacré à la santé et aux droits sexuels et reproductifs (SDSR).

En 2019, en s’appuyant sur le plan d’action Prospérer du secteur de la santé mondiale, le Canada a pris un engagement historique de 1,4 milliard $ par année, lequel reconnaissait que pour atteindre les cibles des ODD d’ici 2030, nous devions mettre l’accent sur l’amélioration de la santé, des droits et du bien-être des femmes, des adolescent·es et des enfants. Les revers en ce qui a trait à l’état de santé des femmes et des enfants en conséquence de la pandémie de COVID-19 font en sorte que cet engagement explicite est encore plus important aujourd’hui que lorsqu’il a été annoncé. Les approches transformatrices en matière d’égalité des genres et sensibles au genre dans le domaine de la santé des femmes et des enfants, qui reconnaissent les inégalités et les dynamiques de pouvoir sous-jacentes qui entravent l’accès aux soins de santé, sont essentielles pour rebâtir les systèmes de santé après les impacts de la pandémie.

Un des principes sous-jacents de cet engagement est le besoin de décloisonner le financement consacré à la santé et au développement. Étant donné l’ampleur des dépenses en santé pendant la COVID-19 et des impacts subséquents sur la santé, il est particulièrement important que cette démarche oriente tout nouvel investissement; une approche multisectorielle et intégrée doit être centrée sur les femmes, les adolescent·es et les enfants, et leur accorder la priorité.

Recommandation 3 : Que le gouvernement du Canada reconnaisse et bonifie l’investissement en SDSR afin de respecter les engagements pris en 2019 et qu’il accélère les nouveaux investissements dans les quatre domaines négligés de la SDSR : les soins complets axés sur la contraception; l’avortement sécurisé et légal; la SDSR des adolescent·es (y compris l’éducation complète à la sexualité); et le soutien au plaidoyer.

Compte tenu de la pandémie de COVID-19, il est urgent de combler les lacunes critiques qui persistent et s’aggravent en SDSR. Des rapports de 2020 (Guttmacher Institute) et de 2021 (USAID) révèlent que les besoins en SDSR ont été drastiquement touchés pendant la pandémie et que « les réponses mondiales à la COVID-19 croisent des iniquités préalables et étendues en SDSR qui frappent de façon disproportionnée les populations vulnérables »[2]. Le FNUAP a ciblé 115 pays à faible et à moyen revenu où l’interruption des services de planification familiale a entraîné près de sept millions de grossesses non désirées. La dépriorisation de la SDSR dans le vaste contexte de la santé mondiale, en conséquence de la COVID-19 ou autre, a entraîné des réductions perceptibles des investissements consacrés aux programmes favorisant la santé et les droits complets des femmes, des adolescent·es et des enfants.

Les trois dernières années d’investissements mondiaux à la baisse ont démontré que les investissements en SDSR n’ont jamais été aussi cruciaux, et une bonification majeure est requise pour accélérer les investissements pour que le Canada respecte son engagement d’atteindre 700 millions $ annuellement à partir de 2023, et d’autres options sont encore possibles pour bonifier l’investissement du Canada dans les quatre domaines négligés de la SDSR. Le dossier actuel des investissements du Canada en SDSR accuse un important retard par rapport à des investissements comparables en santé mondiale. Alors que les investissements bilatéraux ont plus que triplé en 2018-19, les investissements en SDSR n’ont augmenté que de 1,3 fois pendant la même période, et le financement global de la SDSR n’a que légèrement augmenté entre 2018 et 2021. Quant aux domaines négligés de la SDSR, l’avortement sécurisé et les soins après avortement n’ont reçu que 3,4 millions $ en 2020/2021. Il existe une importante lacune entre le niveau de dépenses en 2022 et la bonification requise pour respecter les engagements quant aux investissements en SDSR à partir de 2023/24.

La pandémie a sérieusement mis le progrès sur la touche en SDSR et a entraîné une diminution des services et un accès limité aux soins, et même aux soins et services de base en matière de santé et d’hygiène menstruelle, en raison de la réattribution des fonds. Le leadership mondial du Canada en SDSR est plus crucial que jamais.

Recommandation 4 : Que le gouvernement du Canada verse un financement additionnel supérieur aux engagements précédents envers le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT) afin de poursuivre la lutte mondiale actuelle contre la COVID-19 par le biais d’investissements pour le renforcement des systèmes de santé complets, dont des investissements dans les soins de santé primaires, qui abordent les reculs en matière de santé des femmes et des enfants.

Pour la deuxième année consécutive, le monde n’a réalisé aucun progrès envers les ODD[3]. La COVID-19 a drastiquement ralenti le progrès quant à l’état de santé des femmes et des enfants, renversant des décennies d’acquis en matière de santé et de développement réalisé jusqu’en 2020. On estime que pour chaque décès causé par la COVID-19 signalé officiellement dans le monde, 2+ femmes et enfants ont perdu la vie. Cela se traduit par une augmentation globale des taux de mortalité infantile et maternelle, qui atteignent 3,8 % et 1,4 % respectivement[4]. À l’échelle mondiale, les systèmes de santé ont été dépassés, et les services de santé essentiels ont été interrompus en raison du réacheminement des ressources, minant des années de progrès pour la lutte contre des maladies mortelles et des causes évitables de mortalité.

Les investissements du Canada doivent accorder la priorité aux approches sensibles aux questions de genre, intégrées et équitables pour combattre la COVID-19, lesquelles abordent les lacunes actuelles dans le rétablissement de la COVID-19 pour les femmes et les enfants tout en rebâtissant les systèmes de santé pour « récupérer les gains » jadis réalisés en santé des femmes et des enfants. Une des priorités clés de cette réponse doit être la collecte de données ventilées selon le sexe. En juillet 2022, la revue The Lancet a signalé que le genre est toujours un facteur de marginalisation dans le cadre de la réponse mondiale des vaccins contre la COVID-19, notant que seulement 13 % des pays qui fournissent des données sur la couverture vaccinale ont inclus des données ventilées selon le sexe[5]. Les données ventilées sont cruciales pour entreprendre des analyses sur le genre et aborder les causes de l’inégalité des genres.

Le Canada doit également augmenter ses investissements dans le renforcement des systèmes de santé, dont dans le renforcement des systèmes de soins de santé primaires, et s’assurer que ses investissements adoptent une approche multisectorielle qui comble les lacunes persistantes. L’OMS signale que le tiers des établissements de santé n’ont pas ce qu’il faut pour que les gens se lavent les mains là où les soins sont prodigués; que le quart des établissements n’ont pas de service d’approvisionnement en eau; et que 10 % des établissements n’ont pas de services d’hygiène. Cela signifie que 1,8 milliard de personnes utilisent des établissements qui ne disposent pas des services de base en approvisionnement en eau et que 800 millions de personnes utilisent des établissements qui n’ont pas de toilette. Un investissement mondial de 9,6 milliards $ est requis pour atteindre l’accès universel aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène dans les établissements de santé au sein des pays les moins développés d’ici 2030[6] et le Canada doit y apporter sa juste contribution.

Recommandation 5 : Que le gouvernement du Canada présente de nouveaux investissements durables qui s’appuient sur les engagements du Canada en matière de nutrition afin de s’attaquer à la crise mondiale de malnutrition et de faim, dont des investissements consacrés à la prévention, à la détection précoce et au traitement de la malnutrition et du dépérissement.

La confluence des crises entre la pandémie de COVID-19, l’urgence climatique et la guerre en Ukraine a exacerbé une crise mondiale de malnutrition et de faim, qui a atteint des degrés sans précédent. Cette crise entraîne des conséquences graves sur les personnes vivant dans les régions les plus vulnérables au monde. En fait, près de 828 millions de personnes, dont plusieurs sont des femmes et des filles, dans des pays comme l’Afghanistan, l’Éthiopie et la Somalie, n’ont pas assez de nourriture à manger. Le Canada a fait preuve de leadership dans les deux dernières années en répondant à la crise et son leadership continuel est crucial pour s’attaquer de front à cette crise.

Les femmes et les filles se nourrissent souvent moins, en dernier et avec des aliments de piètre qualité. De plus, elles n’ont pas accès aux ressources nécessaires (ni aucun contrôle sur ces ressources) pour se prévaloir de leur droit à la bonne alimentation, ce qui aggrave leur manque d’autonomie et leur vulnérabilité à la violence sexuelle et fondée sur le genre. Le Canada doit ouvrir la voie en investissant dans la lutte contre la malnutrition qui touche directement à la santé et au bien-être des femmes et des filles de partout dans le monde et affirmer son engagement à soutenir l’égalité des genres ainsi que la santé et les droits des femmes et des enfants.

Ce faisant, il est primordial que le Canada intègre des éléments cruciaux en matière de nutrition dans les prochains investissements dans des programmes de sécurité alimentaire en cas d’urgence ou non pour s’assurer qu’il s’agisse d’une réponse robuste et complète qui sauve des vies et protège des avenirs. Inclure la prévention et le traitement de la malnutrition dans le financement des programmes de sécurité alimentaire en cas d’urgence tout en conservant les investissements actuels en nutrition garantira une réponse robuste et complète qui sauve des vies et protège des avenirs.


[1] https://canwach.ca/sites/default/files/2019-08/2019-1434%20CanWaCH_Nanos_2019%20Public%20Opinion%20Research_FINAL_FR_0_0.pdf

[2] https://reliefweb.int/report/world/effects-covid-19-sexual-and-reproductive-health-case-study-six-countries

[3] https://s3.amazonaws.com/sustainabledevelopment.report/2022/2022-sustainable-development-report.pdf

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7217645/ 

[5] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)01189-8/fulltext

[6] https://www.who.int/fr/publications/i/item/9789240017542


Publié:

octobre 12, 2022


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