Leaders de demain en santé mondiale : Aditi Sivakumar

Aditi Sivakumar

La pandémie de COVID-19 a souligné l’importance de systèmes de soins de santé robustes et des travailleurs de la santé qui sont aux premières lignes de ces systèmes. Elle a également eu un impact drastique sur le quotidien de nombreux Canadiens, alors que les gens ont dû s’adapter à de nouvelles réalités de distanciation physique afin de répondre à d’importantes mesures de santé publique et de sécurité. À l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse, nous avons parlé à Aditi Sivakumar à propos de sa réalité de jeune leader en pleine pandémie et de ce qui est nécessaire selon elle pour que nous puissions nous rétablir de la COVID-19 de façon juste et équitable. 

Le thème de la Journée internationale de la jeunesse 2020 était L’engagement des jeunes pour une action mondiale. Qu’est-ce que cela signifie pour vous? 

Parfois, l’engagement des jeunes peut être perçu comme une expression à la mode, mais cela signifie plus qu’avoir des représentants jeunesse à la table décisionnelle. Cela signifie s’assurer que les jeunes soient non seulement présents à la table, mais qu’ils aient une voix qui soit entendue et mise en œuvre. 

Les consultations jeunesse sont de plus en plus populaires, mais ce qui se produit parfois après la fin de la phase de consultation, c’est que les jeunes ne sont pas mobilisés sur une base continue. Cela peut entraîner des frustrations, car nous pouvons nous demander si les idées ou les préoccupations que nous avons exprimées ont été abordées et mises en œuvre. 

Pour moi, lorsque nous parlons d’engagement des jeunes pour une action mondiale, cela signifie faire participer les jeunes à chacune des étapes du processus tout en s’assurant que ces derniers soient traités comme des partenaires égaux. 

Vous participez activement à la communauté d’Ottawa, mais comment avez-vous entendu parler de SheDecides, un mouvement mondial? Comment avez-vous créé un lien entre cette occasion et le travail que vous faites ici chez vous, au Canada? 

SheDecides est un mouvement mondial qui défend les droits des femmes. Sa mission est de promouvoir et de protéger le droit de chaque femme et de chaque fille de décider quoi faire de son corps, de sa vie et de son avenir. En novembre dernier, le mouvement a lancé un appel de candidatures pour trouver des Championnes SheDecides ainsi que des Jeunes leaders 25×25

Le programme de Jeunes leaders comprend 25 leaders de 25 pays différents qui sont né.es en 1995, année où la Déclaration et le Programme d’action de Beijing ont été élaborés. Ce groupe est composé de jeunes leaders dont les efforts de plaidoyer sont axés sur des domaines diversifiés. Je me concentre sur l’élimination de la violence sexospécifique. Pour moi, SheDecides a été un excellent tremplin pour passer de la sphère locale à la sphère mondiale. Cela m’a donné l’occasion de mener mes efforts de plaidoyer à l’échelle internationale. 

Notre objectif est de faire entendre la voix de populations mal desservies dans des forums mondiaux. Nous le faisons notamment par le biais d’Open Mics, lorsque nous tenons différentes consultations avec des jeunes et des populations mal desservies sur des enjeux qui correspondent à notre domaine d’expertise. Il s’agit d’un espace pour entendre différents appels à l’action et ce que ces populations aimeraient que les leaders mondiaux mettent en œuvre. Par exemple, nous irons au Forum Génération Égalité à Paris en 2021, où nous lancerons notre appel à l’action sur l’aspect que devrait prendre cette nouvelle normalité. 

Comment vous portez-vous dans ce contexte de pandémie mondiale? Comment votre travail s’est-il transformé? 

Avant la COVID-19, j’effectuais la majorité de mon travail sur le terrain, où je visitais des refuges. Je dirigeais des programmes en personne et je créais des trousses de bien-être, mais en raison des directives de distanciation sociale et physique, ces activités ont dû cesser. J’ai dû trouver des idées créatives pour continuer mes activités de sensibilisation et pour aider les populations mal desservies, comme les femmes et les filles victimes de violence, tout en respectant les restrictions liées à la COVID-19. Donc, durant la pandémie, j’ai créé trois initiatives. 

La première initiative est « Survive and Soar ». J’ai réuni des carnets de ressources que j’ai créés dans le passé et je les ai mis sur un site en ligne, où les femmes et les filles victimes de violence dans la région d’Ottawa peuvent se connecter pour trouver de l’information sur différents types de services offerts localement.

J’ai également créé « My Empowerment Platform », une application Web pour les femmes et les filles d’un bout à l’autre du Canada qui subissent de la violence. Elle a trois composantes différentes : 1) de l’information pédagogique, 2) des ressources médicales et sur la sécurité, et 3) des ressources sur la COVID-19. Cela comprend des campagnes canadiennes telles que la campagne « Appel à l’aide » de la Fondation canadienne des femmes. 

La dernière initiative que j’ai créée est « Everyday Essentials Express », un service de livraison sans contact offert à différents refuges pour les victimes de violence dans la région d’Ottawa à l’aide d’Instacart.

La santé mentale est une grande composante de ce travail. Que faites-vous pour prendre soin de vous ou simplement pour vous détendre? 

Prendre soin de moi est quelque chose sur laquelle je travaille encore. J’essaie de bonifier ma stratégie pour prendre soin de moi de temps à autre. Une chose que je fais depuis peu est de lire des textes agréables, des messages WhatsApp ou des courriels de mon réseau de soutien personnel quand me je sens un peu mélancolique. C’est aidant de me dire que si une personne croit en moi, je devrais croire en moi également.

Je pense que c’est très important de prendre soin de soi d’abord et avant tout. On ne peut placer un masque à oxygène sur quelqu’un d’autre à moins de l’avoir d’abord placé sur soi. On doit s’assurer d’être bien physiquement, émotionnellement et mentalement. Quand on a pris soin de tous ces aspects, on est en bien meilleur état pour défendre quelqu’un d’autre.

Souvent, les jeunes peuvent se sentir coincés et ne pas savoir comment entamer un projet. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui sont passionnées par quelque chose, mais qui ne savent pas par où commencer, comment commencer et quoi faire? 

Je dis toujours « lancez-vous ». La plupart du temps, ce sont nos insécurités et nos doutes personnels qui nous retiennent. Nous sommes capables d’avoir d’excellentes idées sur la façon de mobiliser nos communautés ou notre pays ou de travailler à l’échelle internationale. Si vous avez une idée, vous pouvez vous associer à un organisme. Si vous voulez créer votre propre initiative au Canada, il y a différentes organisations, comme TakingITGlobal, qui accordent de petites bourses pour les initiatives dirigées par des jeunes. Le Prix international du Duc d’Édimbourg octroie également des bourses. Un organisme important à l’heure actuelle à l’échelle internationale est One Young World, où vous pouvez poser votre candidature pour un financement de 10 000 $. Plusieurs options sont offertes, donc si vous avez une idée, je vous dirais d’y croire et de trouver le meilleur soutien possible. Est-ce auprès d’un organisme? Est-ce en posant votre candidature pour obtenir une bourse jeunesse? Est-ce en la réalisant avec votre propre groupe? Ne laissez jamais vos doutes personnels vous retenir. 

Avez-vous eu l’impression d’avoir à surmonter un certain syndrome de l’imposteur lorsque vous avez commencé? 

J’ai définitivement eu le syndrome de l’imposteur, particulièrement lorsque j’allais dans des dialogues de haut niveau ou que je parlais à des individus de très grand calibre, comme des ministres, des parlementaires ou des sénateurs. Voilà ce que je me suis dit : « Je connais peut-être très bien la question de la violence sexospécifique, mais je suis toujours prête à apprendre. Tout individu, peu importe où il en est dans sa carrière, est un expert qui maîtrise sa matière. Les gens veulent en apprendre de moi autant que je veux en apprendre d’eux. Aborde chaque expérience avec l’esprit ouvert afin d’être capable de converser avec eux, partage ce que tu sais, pose des questions sur ce que tu ignores, et tente d’avoir un dialogue ouvert. » 

En tant qu’étudiante, comment vous êtes-vous impliquée sur le campus? Avez-vous des conseils pour les étudiant.es de premier cycle sur la façon de faire une différence à l’extérieur de la classe?

Pendant votre passage à l’université, il y a différentes possibilités auprès des clubs étudiants et parfois, ces clubs peuvent entraîner d’autres possibilités. Trouvez un club qui correspond à vos propres valeurs et intérêts. N’ayez pas peur de chercher à l’extérieur de votre école également. Plusieurs des occasions mondiales que j’ai eues n’étaient pas reliées à mes études.

Et qu’en est-il des jeunes qui aimeraient s’impliquer dans leur communauté locale? 

J’ai commencé à faire du bénévolat dans un refuge pour les victimes de violence par le biais d’un centre communautaire. Par exemple, si vous vivez à Ottawa, Bénévoles Ottawa est un bon point de départ. Le site Web du CanSFE propose également différentes occasions de bénévolat et d’emploi. Je regarderais du côté des OBNL, des centres communautaires ou des sites Web centraux. Vous pouvez également communiquer directement avec l’endroit où vous aimeriez faire du bénévolat. Habituellement, il y a une adresse courriel à laquelle vous pouvez écrire pour voir s’ils ont besoin de bénévoles.

Avez-vous des conseils pour ce qui est de faire du réseautage lors de réceptions et d’événements, ou en ligne maintenant, à cause de la COVID-19?

Mon meilleur conseil par rapport au réseautage est d’avoir du plaisir. Parfois, nous arrivons en ayant déjà réfléchi à un discours ou nous nous faisons dire de préparer un argumentaire éclair. Lors d’un événement de réseautage, les gens sont là parce qu’ils veulent apprendre à vous connaître. Vous avez été invité.e à cet événement pour une raison ou alors vous y participez parce que c’est quelque chose qui vous intéresse. Allez-y en gardant l’esprit ouvert. Allez parler avec les personnes avec qui vous êtes à l’aise, présentez-vous et amusez-vous. 

Selon vous, qu’est-ce qui est nécessaire pour se rétablir de la COVID-19 de façon juste et équitable?  

Je pense qu’il y a plusieurs façons d’élaborer un plan de rétablissement national ou mondial, mais j’aimerais que trois choses y soient incluses : 1) l’engagement des jeunes à l’échelle locale, nationale et internationale est un élément clé, 2) que les femmes occupent une place dominante comme forces motrices, et 3) que ce plan soit diversifié. Si tout le monde à la table décisionnelle a le même âge, la même race et la même orientation sexuelle ou le même genre, le plan d’action ne sera pas holistique et adaptable à la vaste population en tant que tout.

Nous avons une belle occasion de transformer notre façon de plaider en faveur des Objectifs de développement durable (ODD). La date butoir pour réaliser les ODD est 2030. Si nous poursuivons nos activités au rythme que nous avions avant la pandémie, nous risquons de ne pas les atteindre. Nous avons maintenant l’occasion d’appuyer sur le bouton de réinitialisation et d’évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. 

Nous devons utiliser le temps que nous donne la pandémie pour prendre conscience que nous pouvons vraiment amorcer un virage dans ce monde. Cela commence par vous. Trouvez un enjeu au sein de votre communauté, de votre pays, de la scène internationale, et allez faire une différence. 

Publié:

septembre 14, 2020


Auteur:

CanSFE


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