Ce que l’arrivée au pouvoir de Trump représente pour les droits reproductifs des femmes 

Après la victoire électorale de Donald Trump en novembre 2024, une vague d’achats de contraceptifs d’urgence a déferlé sur les États-Unis. Planned Parenthood a signalé une augmentation spectaculaire de 760 % des rendez-vous pour des dispositifs intra-utérins (DIU) dès le lendemain de sa victoire. Ces tendances reflètent l’inquiétude croissante de nombreuses Américaines face à l’avenir de leurs droits reproductifs sous une deuxième administration Trump.

Le premier mandat de Trump (2017-2021) a laissé une lourde empreinte sur la santé reproductive des femmes. Il a nommé à la Cour suprême trois juges fermement opposés au droit à l’avortement. Les personnes nommées ont adhéré à l’avis du juge Alito sur l’avortement, qui a conduit à l’annulation historique de l’arrêt Roe c. Wade en juin 2022, mettant fin au droit constitutionnel à l’avortement aux États-Unis. Depuis, 14 États ont adopté des lois interdisant l’avortement, et 12 d’entre eux les appliquent actuellement. Un second mandat de Trump pourrait pousser d’autres États à adopter des lois tout aussi restrictives, ce qui limiterait davantage l’accès aux soins en matière d’avortement.

Les conséquences vont bien au-delà de l’accès à l’avortement. Lors de son premier mandat, Trump a imposé une « règle du bâillon intérieur » concernant le programme Title X, qui finance la planification familiale pour la population américaine à faible revenu. Cette règle interdisait aux cliniques recevant des fonds de Title X de fournir des services d’avortement ou d’orienter les patientes vers ces services. En conséquence, de nombreuses cliniques ont été forcées de se retirer du programme, privant ainsi des millions de personnes d’un accès aux services de santé essentiels. On s’attend à ce que Trump réinstaure cette politique, ajoutant ainsi de nouveaux obstacles à l’accès aux soins pour les populations vulnérables.

À ces préoccupations s’ajoute le Project 2025, un plan directeur d’extrême droite élaboré par des membres de l’ancienne administration Trump, qui propose des mesures visant à restreindre davantage les droits en matière de santé reproductive. Parmi les propositions les plus alarmantes, on trouve l’interdiction de l’avortement médicamenteux et le blocage de sa livraison par courrier – une option cruciale pour celles et ceux qui vivent dans des États où l’avortement est interdit. Il est aussi question de permettre aux employeurs d’exclure les contraceptifs des plans de santé, d’autoriser les hôpitaux à refuser des soins d’avortement d’urgence, même en cas de danger de mort, d’instaurer un système de surveillance de l’avortement, et de remplacer l’éducation sexuelle complète par des programmes limités à l’abstinence.

À l’échelle mondiale, le retour au pouvoir de Trump pourrait rétablir la règle du bâillon mondial, officiellement appelée la politique de Mexico. Introduite pour la première fois par le président Ronald Reagan en 1984, cette politique empêche le financement fédéral américain des organisations non gouvernementales (ONG) étrangères qui fournissent, recommandent ou plaident en faveur des services d’avortement, même lorsque ces activités sont financées de manière indépendante. Ces organisations se retrouvent donc à devoir choisir entre la perte d’un financement américain crucial ou l’abandon de soins de santé reproductive complets pour les communautés qu’elles soutiennent.

Pendant son premier mandat, Trump a élargi la règle du bâillon mondial à presque toute l’aide bilatérale américaine en santé mondiale, en en faisant la version la plus étendue et la plus nuisible. Bien que l’administration Biden ait abrogé la règle en 2021, sa réintroduction sous Trump entraînerait la coupure de financements pour des services essentiels tels que l’accès à la contraception, les dépistages du cancer et les soins prénataux, affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les recherches montrent que la règle du bâillon mondial augmente le nombre de grossesses non désirées et d’avortements insalubres au lieu de les réduire, exacerbant ainsi les problèmes qu’elle est censée résoudre.

Les droits reproductifs des femmes aux États-Unis et dans le monde font face à des enjeux sans précédent. Le retour de Trump à la Maison-Blanche menace de balayer des décennies de progrès, laissant des millions de personnes confrontées à la perte de leur autonomie sur leur corps et leur avenir. L’urgence de la résistance et du plaidoyer ne saurait être trop soulignée.

Nancy Northup, présidente et directrice générale du Center for Reproductive Rights, a publié une déclaration percutante soulignant les conséquences désastreuses qu’aurait un second mandat de Trump pour la santé et l’autonomie des femmes :

« Des femmes sont mortes – et continuent de mourir – en raison des actions du président Trump au cours de son premier mandat. Nous nous attendons à des actions encore plus extrêmes au cours de son deuxième mandat, et nous sommes en état d’alerte et prêts à intenter une action en justice à tout moment. Notre équipe d’avocats est prête à bloquer ou à retarder les actions les plus néfastes de l’administration. Nous serons au tribunal tous les jours pendant les quatre prochaines années s’il le faut. Des centaines d’avocats bénévoles des meilleurs cabinets sont prêts à nous aider. Nombre d’entre eux ont travaillé pour les agences que nous sommes prêts à poursuivre et en connaissent les rouages. Nous redoutons déjà les tactiques que l’administration pourrait utiliser et préparons des dossiers pour réagir rapidement et de manière déterminée. »

Ses propos reflètent le sentiment d’urgence partagé par l’ensemble de la communauté des droits reproductifs, alors que les militantes et militants se préparent à lutter contre des politiques qui pourraient réduire encore l’accès aux soins de santé essentiels et mettre des vies en péril.

Alors que les États-Unis se retrouvent au bord du précipice d’une nouvelle présidence Trump, la lutte pour les droits reproductifs entre dans une phase décisive. Les politiques et idéologies qui ont marqué son premier mandat ont créé un précédent inquiétant, suscitant des craintes quant à leur potentiel d’aggraver les inégalités déjà vécues par les femmes dans toute leur diversité, notamment celles issues de communautés marginalisées. Au-delà des chiffres et des stratégies politiques, il s’agit d’une crise des droits de la personne – une attaque directe contre l’autonomie et la dignité de millions d’individus.

L’augmentation du nombre de femmes recherchant contraception et protection à long terme va au-delà de l’inquiétude : c’est un cri collectif pour l’autodétermination face à l’oppression systémique. Le rétablissement potentiel des règles du bâillon intérieur et mondial, associé à des projets de grande envergure comme le Project 2025, annonce un avenir sombre pour quiconque défend l’autonomie corporelle et l’accès équitable aux soins de santé.

Mais l’histoire nous enseigne que souvent, la résistance ouvre la voie au progrès. Bien que les défis à venir soient colossaux, ils sont aussi une occasion de faire place à la solidarité et à l’action. Des groupes de défense, des équipes juridiques et des citoyennes et citoyens se mobilisent pour défendre les droits reproductifs avec une urgence et une détermination sans précédent. La tâche à accomplir sera peut-être longue et ardue, mais il ne faut pas sous-estimer la résilience de celles et ceux qui croient en la justice et en l’égalité.

La suite des événements façonnera non seulement l’avenir de la santé reproductive, mais aussi la cause plus vaste de l’égalité des genres et des droits de la personne. En ce moment décisif, la question n’est pas seulement de savoir ce que la présidence de Trump signifie pour les droits reproductifs des femmes, mais aussi comment la société réagira pour les défendre. C’est maintenant qu’il faut agir, et chacune et chacun d’entre nous a la responsabilité de le faire.

Leisha Toory est la fondatrice de Period Priority Project, nommé pour le prix des droits de la personne. Elle est également consultante auprès de l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social et de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche. Elle fait partie de l’équipe spécialisée dans les droits des femmes d’Amnistie internationale Canada et est titulaire d’un baccalauréat en sciences politiques de l’Université Memorial.

Publié:

février 13, 2025


Auteur:

Leisha Toory 


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