L’impact de la COVID-19 sur le personnel de la santé en Équateur

Saviez-vous qu’à l’échelle mondiale, environ quatre membres du personnel de la santé sur cinq sont des femmes?

Daniela Meneses

Daniela Meneses est une femme médecin qui vit en Équateur. Elle a près de 10 ans d’expérience auprès d’organisations nationales et internationales qui œuvrent pour l’avancement de la santé et des droits sexuels et reproductifs ainsi que de l’accès aux soins de santé. En plus d’être médecin, Daniela est coordonnatrice nationale de l’Alliance internationale de la jeunesse pour la planification familiale (AIJPF).

Comment la pandémie a-t-elle affecté votre travail? Si les Canadiennes et les Canadiens pouvaient comprendre une chose à propos de votre travail, de quoi s’agirait-il?

Je pense que le personnel de la santé a beaucoup plus de travail à faire ces jours-ci. Je ne travaille pas dans le domaine de la COVID-19 présentement, mais puisque plusieurs chirurgies ont été reportées, nous sommes encore plus occupés que d’habitude. L’ensemble du système a changé. Nous prenons beaucoup plus de temps avec chaque patiente et patient afin de respecter les protocoles liés à la COVID-19, mais en même temps, nous avons plus de patients. 

En outre, il ne faut pas nier que nous avons peur de la COVID-19. C’est inévitable, particulièrement lorsque nous voyons de près les conséquences du virus, comme des personnes ayant besoin de soins intensifs, des familles étant détruites et plusieurs choses dont on ne parle pas. Puisqu’il y a de nombreux cas asymptomatiques, nous ne savons pas si une personne qui se présente dans l’établissement de santé où nous travaillons a la COVID-19 ou non. Nous devons prendre toutes les précautions nécessaires, porter l’ÉPI et imposer une distance entre la personne et le médecin, et malheureusement nous ne pouvons pas changer cela. 

Selon moi, il est très important de comprendre que le personnel de la santé s’expose tous les jours et que tout patient pourrait potentiellement avoir la COVID-19. Nous avons peur de tomber malades et peur que le virus entraîne des complications chez nos patients. Honnêtement, je me sens impuissante de ne pas pouvoir en faire plus et de ne pas pouvoir faire en sorte que les autres se rendent compte de la gravité de cette pandémie. Nous sommes témoins de scénarios de plus en plus compliqués et il y a des limites à ce que nous pouvons faire. Nous, les travailleuses et travailleurs de la santé, ne pouvons combattre cette maladie seuls. Nous avons aussi besoin de votre aide.

Comment la pandémie a-t-elle affecté votre vie personnelle?

Ces jours-ci, je ne peux pas m’imaginer vivre ma précieuse vie personnelle et sociale. Je me suis éloignée de plusieurs amis et parents parce que je travaille beaucoup plus qu’avant, et aussi parce que j’ai peur. Je ne veux pas être responsable de répandre la maladie. Pour éviter que ça se produise, si je dois m’empêcher de voir mes proches, alors je vais le faire. 

Je sortais souvent avant – pour explorer la nature, souper au restaurant, aller voir un film! Maintenant, je limite mes déplacements. Voyager était une de mes passions et j’ai aussi dû y mettre un terme. Ne pas savoir quand la vie reprendra son cours normal et à quoi va ressembler la vie dans quelques mois m’a également poussée à interrompre ma maîtrise et mes études. Je sais que l’incapacité de prévoir la prochaine étape est la réalité de plusieurs d’entre nous. 

Vous êtes-vous fait vacciner? Si oui, qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous alliez recevoir le vaccin? Sinon, comment l’attente affecte-t-elle votre santé mentale?

Oui! J’ai reçu ma première dose il y a quelques semaines. Ce n’était pas prévu. Nous n’avions aucune idée du moment où nous allions recevoir le vaccin et chaque fois que nous posions la question, nous ne recevions aucune réponse. Enfin, un soir, j’ai reçu un message texte me disant que j’allais me faire vacciner le lendemain. J’étais heureuse et soulagée, mais en même temps, je me sentais coupable. Comprenez-moi bien, je suis reconnaissante d’avoir reçu le vaccin rapidement, en quelque sorte, mais j’avais l’impression que c’était injuste. Je suis consciente qu’en tant que travailleuse de la santé, je suis exposée au virus quotidiennement, mais je suis la seule de ma famille à l’avoir reçu. Je ne sais pas quand mes grands-parents, mes parents ou ma sœur le recevront. C’est une question de santé publique. Les gouvernements devraient nous dire quand la population pourra se faire vacciner.

Avez-vous un conseil à donner aux étudiantes et étudiants pendant cette période?

Restez forts. Continuez à étudier. Nous sommes tous fiers de vous. C’est assez admirable de relever le défi de poursuivre ses études pendant une pandémie, mais dites-vous que vous n’êtes pas seuls. Si vous avez l’impression que cette « nouvelle normalité » influence votre santé mentale, demandez de l’aide. Le contexte d’apprentissage et d’études est si différent de ce que la majorité d’entre nous a connu que nous avons du mal à imaginer comment vous y arrivez. Prenez le temps de vous reposer et d’être en contact avec vos proches. N’ayez pas peur de demander de l’aide si vous ne comprenez pas quelque chose ou si vous avez besoin d’une pause. 

La dernière année a été longue et difficile. Qu’est-ce qui vous motive? Avez-vous des histoires d’espoir à partager?

J’ai un excellent réseau de soutien et les personnes qui en font partie m’aident à continuer. Je prends également le temps de prendre soin de moi. J’essaie d’aller dans la nature, de méditer et de faire des choses que j’aime. Ces moments sont non négociables et m’aident à passer à travers mes journées.

Publié:

avril 6, 2021


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