Cette semaine, Save the Mothers, une ONG canadienne établie en Ouganda, a organisé une réunion pour les diplômés et les étudiants de son programme de maîtrise en direction de la santé publique (MPHL). À l’approche de la Journée internationale de la femme, cet événement opportun fut non seulement l’occasion de célébrer tout ce que nos diplômés ont accompli, mais également un rappel de tout ce qui reste à faire.
Le MPHL de Save the Mothers est un programme modulaire menant à un diplôme à l’issue de deux années d’études. Ce programme outille les professionnels multidisciplinaires de l’Afrique de l’Est pour qu’ils puissent s’attaquer efficacement aux causes de la mortalité et de la maladie maternelles.
En tant que directrice générale du programme, j’ai entendu des témoignages puissants et émouvants à l’effet que ces leaders communautaires peuvent poser un nouveau regard sur le problème de la mortalité maternelle dans leurs domaines d’influence et d’expertise respectifs afin de sauver la vie des mères et de leurs nouveau-nés. L’acceptation culturelle des mères qui meurent de complications liées à la grossesse fait partie du quotidien depuis longtemps dans cette région du monde. Mais les cultures peuvent changer.
J’ai écouté Rebecca Birungi, une radiojournaliste ougandaise et diplômée du programme de Save the Mothers (STM). Elle a parlé de la demande croissante d’inclure la « communication de couple » dans ses émissions de radio sur les choix sains. La programmation influence positivement les comportements des couples; 73 pour cent des auditeurs disent prendre des mesures après avoir acquis de nouvelles connaissances dans les émissions. Près de 80 pour cent des couples ayant écouté l’émission de radio ont parlé de planification familiale ensemble, comparativement à seulement 60 pour cent des non-auditeurs. (Le taux de fécondité ougandais est de 6,2 enfants par femme; un taux qui étouffe la capacité du pays à pourvoir aux besoins les plus fondamentaux de ses citoyens.) Grâce à ses études et à son travail, Rebecca voit les choses différemment et utilise son influence pour apporter un changement réel dans huit districts éloignés de l’Ouganda.
J’ai souri quand Allen Baguma s’est levée pour partager son histoire. Femme d’affaires et auteure, elle connaît le pouvoir d’une communication efficace. Mais à cette occasion, elle n’a pas communiqué seule; elle était accompagnée d’un jeune homme du nom d’Abbas. Dès qu’Abbas est arrivé devant nous, nous savions que quelque chose d’unique allait se produire. À 23 ans, avec ses dreadlocks et son allure de rappeur, il s’est mis à chanter une magnifique chanson, Nous devons prendre soin des mères. Abbas a perdu une tante en raison des risques liés à la maternité; sa persuasion et sa douleur personnelle étaient évidentes. Allen a cherché d’autres jeunes chanteurs talentueux comme Abbas pour les mobiliser comme jeunes bénévoles afin de sensibiliser efficacement leur génération à l’importance cruciale d’une maternité sans risques. Par conséquent, les artistes et les publics posent un nouveau regard sur la maternité. Ils apprennent que les mères peuvent et devraient être sauvées. Allen continue d’aller de l’avant avec ses idées uniques pour sensibiliser à la maternité sans risque, comme en créant des dessins animés pour enfants.
Joan Kabayambi m’a rappelé que la précarité de la santé maternelle ne se résume pas aux décès des mères. Elle se définit également comme la souffrance indescriptible et non nécessaire. En tant que sociologue, Joan a dit avoir entendu parler pour la première fois de la fistule durant ses études au programme de STM. La première fois que sa classe a parlé du sujet, elle a voulu approfondir ses connaissances et a décidé le jour même qu’elle voulait faire une différence. Dans le cadre de son MPHL, elle a complété et publié une étude sur les victimes de la fistule — découvrant plus profondément les facteurs et les tragédies dans la vie de ces victimes de complications obstétricales (des femmes qui ont constamment des fuites d’urine et de selles). Après avoir complété le programme de STM, Joan a démarré une organisation d’intervention pour les victimes appelée « Hope Again Fistula ». En constatant les dévastations de la maternité à risque, elle a acquis un nouveau regard sur la question et est devenue une pionnière de la lutte contre la fistule en Ouganda.
À la conclusion de la réunion, Roselline Achola (diplômée de STM en 2009) a résumé la situation. « La plus importante chose que Save the Mothers nous a donnée est la capacité de voir les choses autrement, de trouver la solution, et de poser un tout nouveau regard sur la question [de la mortalité et de la morbidité maternelles. »
Les cultures peuvent changer, mais seulement si les gens changent leur manière de penser et leurs croyances. J’ai pu constater qu’il n’y a rien de plus puissant que des agents de changement indigènes qui collaborent au sein d’une culture pour favoriser un changement positif pour les mères et leurs bébés dans le monde en développement.
La Dre Jean Chamberlain Froese est la directrice générale de Save the Mothers et professeure agrégée à l’Université McMaster. Elle vit et travaille en Ouganda huit mois par année.
Publié:
mars 7, 2014
Auteur:
Dr. Jean Chamberlain
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